Pourquoi Nomad Impact ?

Je suis partie en août 2022 avec mon ordinateur et une curiosité têtue. Deux ans sur les routes d’Asie, jusqu’en mai 2024. On a adoré l’étrangeté du quotidien qui se réinvente : les marchés à l’aube, les bus trop froids, l’hospitalité qui déborde d’un thé à l’autre.

Et puis, au milieu de ces images, une sensation plus sourde : la vie qui file entre les doigts, travailler dans des lieux qu’on n’habite pas vraiment, “consommer” un pays plutôt que l’aider. À force de glisser d’un cowork à un autre, on finit par survoler—et le survol use le sens.

Le retour en Belgique, fin de printemps 2024, a fait l’effet d’un miroir. Tout ce que j’avais vu de généreux et de beau cohabitait avec des angles morts : les missions “qui font bien”, la tentation d’expliquer au lieu d’écouter, l’illusion de réparer vite. Je relis des analyses sur le “white saviorism” : ce réflexe d’arriver avec de bonnes intentions et un récit qui nous met au centre, souvent au prix de l’autonomie locale. Je m’y reconnais par ricochet, et ça m’oblige à changer de méthode : si le bénévolat reproduit des déséquilibres, il faut inverser le mouvement—commencer par les besoins exprimés, et laisser les clés en partant

L’été 2025, alors que le retour reste compliqué, je décide de repartir en Asie mais autrement. J’ouvre Nomad Impact comme on ouvre un carnet neuf : une promesse de peu, mais de mieux. Mon ambition est modeste et exigeante : livrer des outils simples, documentés, réutilisables, et m’effacer. J’écris aux associations que je rencontre au fil des contacts et des recommandations—la liste s’allonge encore aujourd’hui. CFSWF me répond presque aussitôt. Ce n’est “pas tous les jours qu’on vous propose un site web gratuit par bonté de cœur”, me dit-on—et la phrase me heurte autant qu’elle me porte. Je n’offre pas une faveur ; je propose un travail précis, cadré, transmissible, au service de leur besoin, pas du mien.

Concrètement, ma méthode tient en trois verbes : écouter, produire, transmettre. Écouter pour comprendre ce qui manque vraiment (informer ? recruter ? rassurer ?). Produire l’essentiel : un site que l’on peut mettre à jour sans appeler un prestataire, un kit visuel qui tourne sur un ordinateur vieillissant, des gabarits qu’on ouvre sans abonnement. Transmettre enfin : un mode d’emploi en clair, une mini-formation, et la vérification que l’équipe peut reprendre sans moi. Si je pars et que tout tient, alors j’ai bien travaillé.

Je n’idéalise pas ma position. J’ai été digital nomad, j’ai profité d’écosystèmes où nos devises pèsent lourd. Je sais que nos présences peuvent faire monter les loyers, déplacer des usages, lisser des quartiers au profit de nos routines globalisées. Reconnaître cela, c’est déjà choisir un autre rôle : limiter son empreinte, travailler sur demande, et redonner du pouvoir d’agir là où il a été aspiré.

Nomad Impact n’est pas un grand programme. C’est une hygiène de travail. Je refuse de remplacer des emplois locaux, je refuse les effets de manche, je refuse l’outil brillant qui meurt le lendemain. Je préfère les structures légères, les livrables “juste ce qu’il faut”, et la documentation qui rend tout le monde plus libre. C’est moins spectaculaire, mais c’est ce qui reste quand je pars.